Rendues applicables directement par le Code du travail ou par un renvoi exprès d’une disposition d’un autre corpus juridique, on remarque que c’est essentiellement dans le domaine de la protection des préposés et dans la lutte contre la précarité qu’il existe un alignement.
A titre principal, on peut penser aux règles applicables en matière de santé et de sécurité au travail définies par les livres I à V de la quatrième partie du Code du travail rendus applicables dans la fonction publique territoriale par l’article 108-1 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée.
Ces dispositions concernent tant les obligations pesant sur l’employeur que le salarié, le droit de retrait, les modalités d’information et de formation en matière de sécurité.
C’est ainsi que la loi du 5 juillet 2010 relative au dialogue social a rendu obligatoire la création d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans les administrations de l’État et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial.
Ces Comités ont notamment pour mission de contribuer à l’amélioration des conditions de travail et de veiller au respect de la réglementation en ces matières (article L. 4612-1 du Code du travail) par le biais de visites des locaux ou encore d’enquêtes.
Pareillement, certaines indemnités se trouvent applicables aux agents publics telles que celle prévue aux articles L. 5424-1 et suivants en matière d’allocation d’assurance ou encore l’indemnité de précarité de 10% possible aux seuls praticiens hospitaliers en CDD (l’article R. 6152-418 du Code de la santé publique renvoyant aux dispositions de l’article L.1243-8 du Code du travail).
De même, convient-il de ne pas sous-estimer l’influence réciproque de la jurisprudence judiciaire et administrative notamment et surtout au bénéfice de la protection des agents.
C’est ainsi qu’en matière de harcèlement moral, la loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17 janvier 2002 a créé l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 afin de protéger l’ensemble des agents publics, titulaires ou non, contre les agissements constitutifs de harcèlement moral.
Pour la victime, la preuve de l’existence d’un harcèlement moral n’est pas aisée à apporter.
C’est ce qui a conduit le législateur à prévoir, dans le Code du travail, un régime probatoire spécifique en la matière. Le salarié doit établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, à la suite de quoi le défendeur doit prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement (article L. 1154-1 du Code du travail).
Lors du vote de la loi du 17 janvier 2002, le régime instauré dans le code du travail n’a cependant pas été étendu à la fonction publique, laissant au juge le soin de déterminer les règles en la matière, ce qu’a fait le Conseil d’État (CE Sect. 11 juillet 2011 n° 321225). Il en résulte que l’agent qui invoque un harcèlement doit soumettre au juge des éléments de faits susceptibles d’en faire présumer l’existence, et l’Administration doit produire en sens contraire « une argumentation de nature à démontrer » que les agissements en cause ne sont pas constitutifs d’un harcèlement. Au vu de ces échanges contradictoires, le juge forme sa conviction en ordonnant le cas échéant toute mesure d’instruction utile.
A d’autres occasions, le Conseil d’Etat a reconnu des principes généraux du droit inspirés du Code du travail afin de l’appliquer à certaines catégories d’agents publics.
C’est ainsi que le Conseil d’Etat a reconnu que le principe du droit, dont « s’inspire » le Code du travail selon lequel « un employeur ne peut, sauf dans certains cas, licencier un salarié en état de grossesse » s’applique aux femmes employées dans les services publics (CE Ass. 8 juin 1973 Dame Peynet) ou encore a reconnu aux agents non titulaires d’une Commune le droit de percevoir, en vertu « d’un principe général du droit, applicable à tout salarié et dont s’inspire l’article L. 141-2 du Code du travail » un minimum de rémunération qui « ne saurait être inférieur au SMIC » (CE Sect. 23 avril 1983 Mme Aragnou).
Il en a été de même du droit de retrait d’un agent public communal, reconnu par le Tribunal administratif de Besançon comme inspiré d’un principe général du droit (TA Besançon 10 octobre 1996 n°960071) où en l’espèce il avait été demandé à un agent de fixer des illuminations de Noël à l’aide d’une échelle positionnée dans un godet de tracteur.
Il ressort de ces décisions la volonté d’étendre la protection à des catégories de personnes que leur situation avait placée en dehors des dispositions protectrices.
Pour autant, le Conseil d’Etat a refusé d’ériger en principe général du droit les dispositions du Code du travail qui interdisent à l’employeur de faire appel à du personnel de remplacement en cas de conflit collectif du travail (CE Ass. 18 janvier 1980 Syndicat CFDT des postes et télécommunications du Haut-Rhin) afin d’assurer la continuité du service public.
En effet, si le Code du travail s’applique aux agents publics, c’est qu’aucune justification liée à l’exercice de prérogatives publiques ne se trouve en jeu, ce qui explique aisément que les règles relatives aux droits fondamentaux des travailleurs et celles relatives à la santé et à la sécurité soient communes au privé et au public, sauf cas particuliers prévus par un texte.
C’est bien parce que se trouve en cause un service public administratif que les conditions de reprise d’une activité par une personne publique impliquent le changement de la nature du contrat la liant avec son nouvel agent.
Dans l’hypothèse où une personne publique souhaite reprendre une activité jusqu’alors exercée par une association ou une entreprise, l’article L. 1224-1 du Code du travail impose certaines obligations dont celle de reprendre le contrat de travail des employés.
Toutefois, deux hypothèses doivent être distinguées.
S’il s’agit de la reprise d’un service public à caractère industriel et commercial, la Collectivité reprendra purement et simplement les contrats de travail des salariés transférés sans qu’il soit besoin de conclure un nouveau contrat. La Collectivité devra gérer cette catégorie de personnels en appliquant le Code du travail.
S’il s’agit de la reprise d’un service public administratif (telle une crèche ou une école de musique), un contrat de droit public à durée déterminée ou indéterminée devra être proposé en vertu de l’article L. 1224-3 du Code du travail reprenant les clauses « substantielles » de leur ancien contrat de travail, notamment la rémunération. Une difficulté peut surgir dès lors que doivent être conciliés pour la fixation de la rémunération les dispositions légales mais aussi les conditions de rémunération des agents non titulaires de la personne publique.
Soit l’agent accepte et il devient un agent public. Soit il refuse et le contrat de travail prend fin de plein droit, le licenciement en résultant reposant sur une cause sui generis (Soc. 2 décembre 2009 n°07-45304) et la procédure de licenciement devant être respectée.
En cas de contestation du contrat, le Tribunal des conflits a dû récemment intervenir afin de clarifier les compétences des ordres de juridiction : le juge judiciaire reste compétent tant que les salariés n’ont pas été placés sous un régime de droit public et ne saurait faire injonction à la personne publique de proposer un contrat (TC 9 janvier 2017 n°4073, pour une application Conseil de prud’hommes de Coutances 11 septembre 2017 n° F 14/00281 sur nos conclusions validées pour le compte de la Commune après départition).
A l’heure où les 5 ordonnances réformant le Code du travail poursuivent leur chemin procédural, le futur dispositif d’application suscite d’ores et déjà des interrogations quant aux conséquences sur l’évolution du droit de la fonction publique du fait de l’interpénétration du droit du travail avec le droit de la fonction publique, notamment en ce qui concerne la fusion des délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT dans un « comité social et économique » ou l’inversion des normes décriée appliquée dans les fonctions publiques à terme. Plus globalement, intéressant de relever que la spécificité d’un droit français de la puissance publique dérogatoire au droit commun tend à s’estomper. Le droit de la fonction publique comme celui du droit public des affaires ou le domaine de la responsabilité et des modalités de l’indemnisation l’illustrent comme fait majeur de ces dernières années.
Michel POIGNARD
Spécialiste en droit de la Santé et droit public
Florian DOUARD